Auteurs: Michel Rohrbach (à gauche) et Alexander Gerlings (à droite), Codirecteurs du Centre IDES
L’enquête annuelle auprès des cantons recueille de nombreuses informations sur le système éducatif suisse. L’article de blog de Michel Rohrbach et Alexander Gerlings nous livre quelques précisions à ce sujet.
L’un des plus grands fournisseurs de places d’apprentissage en Suisse est surpris de constater qu’il reçoit de plus en plus de candidatures de très jeunes élèves. Il se demande à quel âge les enfants commençaient l’école dans les différents cantons il y a dix ans; grâce son enquête auprès des cantons, IDES, le centre d’information et de documentation de la CDIP, peut lui répondre sans délai. Cette enquête est l’un des outils permettant de mettre en évidence les points communs et les différences entre les systèmes éducatifs cantonaux.
Dès la fin du 19e siècle, il est apparu nécessaire, dans le cadre des débuts de la collaboration intercantonale dans le domaine de l’éducation et de la formation, de collecter de façon systématique des informations sur les particularités des différents systèmes éducatifs cantonaux. Ces informations ont tout d’abord été publiées en allemand dans le Jahrbuch des Unterrichtswesens in der Schweiz et en français dans l’Annuaire de l’instruction publique en Suisse puis dans les volumes de l’Archiv für das schweizerische Unterrichtswesen pour la Suisse alémanique et dans ceux des Études pédagogiques pour la Suisse romande (entre 1948 et 1979, sous les auspices de la CIIP), et enfin dans Politique de l’éducation – Annuaire de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (première publication dans les trois langues officielles).
Avec l’entrée en vigueur du concordat scolaire, en 1970, le besoin de disposer de données fiables sur les structures scolaires et leur évolution dans les cantons a été réaffirmé, ce qui a donné lieu à la réalisation de diverses publications par le CESDOC (Centre d’information en matière d’enseignement et d’éducation) et, à partir de 1994, par IDES. En parallèle, la loi fédérale concernant les relevés statistiques des écoles a été introduite en 1973. Depuis 1976, l’Office fédéral de la statistique (OFS) collecte des données statistiques sur les écoles dans tous les cantons.
L’enquête auprès des cantons telle que nous la connaissons aujourd’hui a été réalisée pour la première fois en 2000. Elle s’inscrivait dans le prolongement des efforts déployés à l’époque pour uniformiser ou du moins harmoniser les systèmes éducatifs cantonaux. La Commission de la science, de l’éducation et de la culture du Conseil national a élaboré, en collaboration avec la CDIP, le projet des articles constitutionnels sur l’éducation soumis à votation populaire en 2006. Il s’agissait en particulier de permettre la mise en place de réglementations uniformes à l’échelle nationale concernant la scolarité obligatoire, l’âge de l’entrée à l’école ou encore la durée et les objectifs des niveaux d’enseignement. Afin de pouvoir représenter précisément le contexte de l’époque, une enquête a été lancée auprès des cantons sur leurs réglementations dans ces différents domaines. L’intérêt du public pour les informations sur le système éducatif suisse a par ailleurs augmenté de manière générale dans ce contexte. À partir des années 2000, la CDIP a donc mis l’accent dans ses programmes de travail, entre autres, sur la promotion de l’information mutuelle dans le domaine de l’éducation et de la formation, entre la Confédération et les cantons, entre les cantons eux-mêmes et entre les cantons et d’autres partenaires, afin que tous les acteurs profitent des expériences de chacun et s’inscrivent dans une concurrence saine (Voir notamment le document Programme de travail de la CDIP à partir de 2001 basé sur des points forts de ses activités). La première enquête auprès des cantons, qui portait naturellement sur l’école obligatoire, mais aussi sur le degré secondaire II et des thématiques d’actualité à cette époque, telles que les plans d’études des écoles, les écoles partiellement autonomes, le droit à l’éducation pour les personnes sans-papiers ou issues de la communauté des gens du voyage, ou encore les examens de médecine scolaire, a donc été complétée par une enquête parallèle sur les projets de développement en cours dans les cantons.
Après sa première édition, en 2000, l’enquête auprès des cantons n’a, dans un premier temps, pas été renouvelée. La charge de travail nécessaire pour élaborer un rapport de tendances sur la base des projets de développement du système éducatif dans les différents cantons s’est notamment révélée trop importante. L’entrée en vigueur des nouveaux articles constitutionnels sur l’éducation et la formation, les travaux qui suivirent en lien avec le concordat HarmoS et surtout l’établissement du monitorage national de l’éducation avec la Confédération ont à nouveau soulevé le besoin de disposer d’informations sur les points communs et les différences entre les systèmes éducatifs cantonaux. L’enquête auprès des cantons a donc été renouvelée en 2006 et est réalisée depuis lors annuellement. Les questions sur des problématiques jugées obsolètes sont supprimées au fur et à mesure et de nouvelles sont ajoutées à propos de sujets qui suscitent des questionnements nouveaux dans la politique ou l’administration de l’éducation et pour lesquels il n’existe pas encore de vues d’ensemble nationales. Parmi les exemples récents, on peut citer les règlementations cantonales concernant l’engagement de personnes ne disposant pas de diplôme d’enseignement, l’approche BYOD/AVEC, les formations continues pour enseignantes et enseignants suivies à l’étranger ou encore la mise en œuvre de la procédure d’évaluation standardisée (PES). L’enquête auprès des cantons permet par ailleurs aux autres agences spécialisées de la CDIP et à celles de la Confédération de générer de façon efficiente des connaissances nouvelles utiles à la poursuite de leurs buts respectifs. Étant donné que la majorité des questions s’inscrivent dans une certaine continuité, malgré quelques adaptations apportées chaque année, l’enquête auprès des cantons permet en outre de faire des observations sur l’évolution du système éducatif.
Il va de soi que l’enquête auprès des cantons a également ses limites. Il est notamment impossible de couvrir tous les détails du système éducatif suisse, avec l’ensemble de ses expressions cantonales. Par ailleurs, afin d’éviter les doublons, il n’est généralement pas collecté de données de nature statistique dans le cadre de l’enquête auprès des cantons. Une des rares exceptions concerne la saisie du nombre d’enfants suivant l’école à la maison, étant donné que l’OFS ne collecte pas cette information. L’enquête auprès des cantons est cependant complétée par diverses sources d’information, dont les dossiers IDES, qui rassemblent les bases légales cantonales sur des thématiques spécifiques, les collections thématiques sur edudoc.ch, le serveur suisse de documents pour l’éducation et la formation, ou encore la documentation parlementaire, qui présente les dossiers politiques d’actualité au sein de la Confédération et dans les cantons.
Les données générées via l’enquête auprès des cantons constituent une source d’information importante pour d’autres produits et services. À l’échelle nationale, certaines de ces données sont par exemple reprises dans le rapport sur l’éducation en Suisse, réalisé par le Centre suisse de coordination pour la recherche en éducation (CSRE). Les données générées via l’enquête servent par ailleurs de base d’information pour les représentations du système éducatif suisse élaborées par IDES, les documents rédigés à l’attention des organes de la CDIP ou encore les réponses à donner aux centaines de questions reçues chaque année de la part d’administrations chargées de l’éducation, des médias, de chercheurs et chercheuses, de particuliers ou, comme évoqué en introduction, de la part de fournisseurs de places d’apprentissage.