Auteur: Anne-Sidonie Cochand Buchs, responsable de l'unité Planification des dossiers & services linguistiques
Du dictionnaire plurilingue de Calepin au monde numérique: coup de projecteur sur la traduction, travail de l’ombre essentiel au bon fonctionnement de la CDIP par Anne-Sidonie Cochand Buchs.
Dans son rôle de responsable de la coordination nationale en matière d’éducation et de culture au sein du système fédéraliste, la CDIP navigue entre les langues cantonales. La traduction, corollaire obligé de ce plurilinguisme, permet aux cultures régionales de se rencontrer, de comprendre leurs différences et de trouver leurs points de convergence.
L’histoire des mots est pleine de surprises. Le premier dictionnaire plurilingue à succès est l’œuvre d’un moine italien, Ambrogio Calepino, plus connu en français sous le nom d’Ambroise Calepin. Présentant des traductions du latin vers différentes langues selon les versions, le «Calepin» a connu de nombreuses rééditions et comptera même onze langues dans son édition de Bâle de 1590. Il n’avait donc rien d’un petit carnet de poche, au sens où l’on utilise ce terme aujourd’hui.
Source: dicopathe.com
Source: dicopathe.com
Le plurilinguisme n’est pas non plus une mince affaire pour la CDIP. Il représente une tâche exigeante non seulement pour l’école (voir le blog du 18 mai 2022), mais aussi pour les autorités politiques et pour l’administration. Dans son rôle de responsable de la coordination nationale en matière d’éducation et de culture au sein du système fédéraliste, la CDIP navigue en effet entre les langues cantonales pour canaliser un flux permanent d’informations, de Genève à Bellinzone en passant par Zurich ou encore Coire.
Plus que des mots
La traduction est un corollaire obligé du plurilinguisme du réseau de la CDIP. Il s’agit en effet de permettre à chacun d’appréhender la manière de voir de l’autre, car la diversité linguistique reflète des visions différentes des choses. La traduction est un moyen de respecter ces différences et de soutenir le processus démocratique. En allant au-delà des mots, elle permet aux cultures régionales de se rencontrer, de comprendre leurs divergences et de trouver leurs points de convergence.
Nos traducteurs et traductrices ne se contentent pas de transvaser des textes d’une langue dans une autre, ils recherchent, tels des détectives, les formulations adéquates dans la région linguistique visée, en puisant notamment dans les riches savoirs que met à disposition le centre IDES (voir le blog du 17 novembre 2021). Pourquoi, par exemple, «Kindergarten» ne correspond-il pas à «jardin d’enfants» en Suisse romande? Si l’on y utilise plutôt «école enfantine», c’est peut-être bien le signe d’une différence culturelle. Et que faire lorsque la terminologie varie également d’un canton romand à l’autre, comme dans le cas de la dénomination des gymnases, lycées et autres écoles de maturité gymnasiale? Lorsque le texte embrasse le point de vue intercantonal, on le voit, un travail de filtrage terminologique se révèle nécessaire.
Un dialogue interrégional permanent
La CDIP traite toutes les questions qui relèvent de sa compétence en consultant en permanence son vaste réseau. Ses décisions prennent leur source dans des préoccupations locales confluentes, ayant acquis une ampleur telle qu’une analyse nationale s’est imposée comme étant la meilleure approche. Les solutions proposées sont ensuite discutées et négociées entre les cantons ainsi qu’avec leurs partenaires privilégiés: la Confédération, les associations professionnelles et les groupements d’intérêts actifs au niveau national.
Toutes ces interactions prennent en compte les diversités linguistiques et culturelles. Dans chaque organe, commission ou groupe de travail de la CDIP, une représentation régionale et linguistique équitable doit en effet être assurée. Pour leurs membres immergés ainsi dans le plurilinguisme, cela exige de posséder au moins de bonnes compétences réceptives (à la lecture comme à l'écoute) en français et en allemand. Ils incarnent la pluralité linguistique et culturelle de la Suisse.
Un accès plurilingue aux informations
Le calepin a poursuivi sa mue pour devenir numérique. Et la traduction a en partie suivi cette évolution – on ne parlera pas ici des avantages et des limites des nouveaux outils (professionnels) qui connaissent un succès fulgurant.
Il suffit désormais de quelques clics pour parcourir tous les grands sujets de l’éducation et de la formation en feuilletant le site web de la CDIP, tout en passant d’une langue à l’autre. Si le monde numérique offre un accès plurilingue facilité aux informations, c’est notamment grâce au travail de l’ombre réalisé par les traducteurs et traductrices.